Le gin

by | Apr 27, 2020

Un peu d'histoire

L’histoire du gin remonte principalement au XVIIe siècle, même si certains lui trouvent des origines médiévales. Certains distillateurs (et notamment ceux qui commercialisent le gin italien Malfy, logique me direz-vous) prétendent que l’origine de l’alcool aromatisé au genièvre remonterait au XIe siècle, où des moines du Golfe de Salerne auraient commencé à distiller de l’alcool au genièvre.

Logo wikipediaL’article français de Wikipédia sur le gin est assez laconique et comporte beaucoup d’impressions techniques. La version anglaise en revanche est beaucoup plus complète, notamment en ce qui concerne les méthodes de productions et le cadre réglementaire. Il comprend aussi une bonne liste des cocktails au gin et des marques fabriquant le breuvage.

Le gin c'est quoi au juste ?

La définition la plus simple du gin est : un spiritueux aromatisé principalement au genièvre (mais pas que). Contrairement aux spiritueux “simples”, ou eaux-de-vie, dont le goût ne provient que de leur processus de distillation et de vieillissement (cognac, whisky, armagnac, rhum etc.), le gin est un spiritueux “composé”, c’est-à-dire qu’il est la combinaison d’un alcool blanc neutre et d’une aromatisation végétale. Il entre dans la même catégorie que nombre d’autres spiritueux aromatisés comme la Chartreuse ou le pastis. C’est un alcool “fort”, parfois rangé dans la catégorie des digestifs, puisqu’il titre autour de 40 degrés dans la plupart des cas (nous verrons plus loin qu’il y a cependant de notables exceptions).

 

Genièvre et botaniques

L’aromatisation du gin est composée de deux éléments essentiels : le genièvre (élément dont le goût doit en théorie rester dominant, puisqu’il est le point commun de tous les alcools portant ce nom) et d’autres ingrédients d’origine végétale (enfin presque). Ces derniers sont appelés des “botaniques” (calque de l’anglais botanicals) et peuvent provenir de différentes parties de plantes : racine, feuille, tige, fruit etc. Dans certains cas plus atypiques des ingrédients plus “exotiques” peuvent être ajoutés comme de l’huile (c’est le cas par exemple du gin germano-grec Oel’s 3, qui comprend de l’huile d’olive). Le nombre de botanique varie considérablement en fonction des producteurs, allant pour faire simple de 4 ou 5 à plus d’une quarantaine, comme dans le cas du fameux Monkey 47, dont le nombre d’ingrédients est indiqué dans son nom. Si la saveur de certains d’entre eux est rapidement reconnaissable, d’autres sont plus difficiles à détecter car ils sont moins communs ou sont essentiellement présents pour des besoins d’équilibre gustatif. C’est le cas de l’angélique par exemple, présente dans bon nombre de gins, mais difficile à détecter car elle est souvent utilisée comme adoucissant ou compensateur d’acidité. La racine d’iris figure également souvent dans la liste des ingrédients mais n’a aucun goût. Très utilisée en parfumerie, elle est un fixateur d’arôme.

Distillation et modes de fabrication

Bien qu’il soit possible de faire macérer les botaniques dans l’alcool pour obtenir du gin (on appelle cette méthode le bathtub, en hommage aux alcools de contrebande à l’époque de la prohibition qui étaient produits à domicile dans une baignoire métallique), la plupart des gins sont issus d’une distillation.

Si vous lisez l’anglais et que vous souhaitez avoir plus d’informations sur la fabrication du gin, l’article du Difford’s Guide sur le sujet est relativement complet.

 

L’alcool neutre

En revanche, même si certains utilisent un alcool qu’ils distillent eux-mêmes, la plupart des producteurs achètent un alcool éthylique neutre à 96 degrés, appelé surfin, qui sert de base. Ils redistillent ensuite cet alcool dans leur alambic avec les botaniques pour l’aromatiser. En effet, la production d’alcool neutre nécessite un alambic spécifique, pouvant atteindre une très haute température de chauffe. Une telle production est très couteuse en énergie et peu rentable en “petite” quantité. En pratique, cet alcool peut être issu de n’importe quelle macération de produit agricole (blé, orge, raisin, betterave, pommes de terre etc.). Certains producteurs disent qu’une des conditions pour réaliser du gin est d’utiliser un alcool de base qui est toujours produit à partir de la même plante. C’est effectivement le cas la plupart du temps, même si le gin n’étant pas une AOP il n’obéit pas à un cahier des charges précis (en Europe cependant, deux gins, le Plymouth gin dans le Devon, et le gin de Mahón, fabriqué à Minorque, ont obtenu la classification AOP). Dans le cas où le gin est produit à partir d’une redistillation d’un alcool neutre avec les botaniques (la plupart des cas de nos jours), le spiritueux de départ est réduit à environ 50 degrés en y ajoutant de l’eau.

 

 

 L’alambic

Il existe de multiples formes d’alambic. Quel que soit le système, le processus de distillation qui s’y opère consiste à chauffer le liquide présent dans une cuve pour faire monter les vapeurs d’alcool, plus légères, qui vont ensuite se condenser dans un refroidisseur pour être récupérées en sortie. L’alambic traditionnel (pot still en anglais) distille une quantité déterminée de liquide à la fois, le fameux batch, que l’on voit écrit sur nombre de bouteilles de gins. Les alambics à colonne en revanche (en anglais coffey stills), plus performants, peuvent fonctionner en continu.

On peut également citer le fameux alambic charentais, utilisé pour produire le cognac, qui est très prisé de nombreuses marques de gin français, dont la plupart sont distillés en Charente. La chaudronnerie Stupfler, notamment, à Bègles près de Bordeaux, fabrique un alambic charentais particulièrement renommé pour la distillation du gin, qui produit des liqueurs assez “grasses”, très riches en notes aromatiques. Ce type d’alambic, dit “à repasse” permet une double distillation (obligatoire pour le cognac, où l’on exploite uniquement le coeur de la deuxième chauffe), plus difficile à maîtriser, mais permettant d’obtenir une eau-de-vie de grande qualité.

Les botaniques peuvent être ajoutés de différentes manière durant le processus de distillation. Certains placent le genièvre et les ingrédients les plus robustes directement dans l’alcool (avec ou sans macération préalable, suivie ou pas d’une filtration) et les autres, soit suspendus dans un filet en coton, soit dans un vase d’expansion que les vapeurs vont traverser (procédé rendu célèbre par le Bombay Sapphire). Dans d’autres cas c’est l’ensemble des botaniques qui sont ainsi séparés.

La rectification

En sortie d’alambic, on isole les “têtes” et les “queues”, qui comprennent des composés toxiques ou d’une saveur désagréable. Une partie est à nouveau renvoyée dans l’alambic. Mais on ne conserve globalement pour le produit final que les “coeurs”, à savoir le milieu du distillat. Le spiritueux ainsi obtenu titre 70° environ. Il est ensuite ramené au titre final du gin en y ajoutant de l’eau (contrairement aux alcools vieillis en fûts comme le whisky ou le cognac qui vont perdre en degré d’alcool par évaporation des éthers au fil du temps). Le savoir-faire du distillateur est primordial pour obtenir la bonne saveur et le bon titre. Une fois le gin ainsi préparé, il peut être directement mis en bouteille et vendu, ce qui fait du gin un alcool relativement rentable à produire sur une durée courte. C’est entre autres une des explications qui fait que certaines distilleries de cognac ou de whisky ont développé ce produit en complément de leur alcool principal, produit sur un cycle de plusieurs années.

 

Les différents types de gin

Même si le gin est toujours produit selon les mêmes principes, on distingue différents types :

  • London dry : également appelé “London gin”, ce type est l’un des rares encadré par la législation européenne (voir ci-dessous). Il titre au minimum 37,5°, est produit par distillation, et ne doit pas contenir plus de 0,1 gramme de sucres par litre (il est donc quasi interdit d’y ajouter du sucre ou des édulcorants, ce qui lui donne son caractère sec). Le parfum du genièvre doit être prépondérant. On pourrait dire qu’il s’agit du gin le plus classique. Le terme London est une référence historique au gin produit à partir des années 1830 à Londres, quand le perfectionnement des alambics permet de produire des alcools rectifiés d’une plus grande pureté, sans arrière-goût désagréable. Il est en revanche de nos jours produits dans le monde entier.
  • Old tom : Il s’agit d’une des recettes les plus anciennes, remontant au XVIIIe siècle, quand les alambics produisaient un gin aux nombreux défauts. On adoucissant alors le caractères âpre avec de la réglisse, puis du sucre à partir du XIXe siècle. La recette, appréciée dans certains cocktails, est aujourd’hui restée synonyme d’un gin classique mais plus doux que le London dry.
  • Navy strength : titrant 57°, ce gin est en principe le plus proche du gin “d’origine”, dont le titre fut par la suite réduit pour diminuer ses ravages sur la santé publique. Il porte ce nom car c’était ce type de spiritueux qui était embarqué sur les navires de la marine britanique (on dit parfois qu’un alcool plus fort risque moins de se dégrader lors d’un long voyage dans des conditions de forte humidité). 
  • Distilled gin : cette catégorie générique désigne les gins dont les botaniques sont ajoutés au cours d’un processus de distillation, et nous par simple ajout ou macération, par opposition à la méthode bathtub ou coumpound. On voit en général appraître cette appellation sur des gins de qualité mais dont les caractéristiques ne leur permettent pas d’entrer dans une autre catégorie, comme Old tom ou London dry.
  • Bathtub/cold coumpound : contrairement aux gins distillés, les spiritueux de cette catégorie sont produits à partir de macération des plantes, voire de mélange d’arômes à de l’alcool neutre. Même si certaines références prétendent rivaliser avec des gins de dégustation, ce mode de production est souvent synonyme de faible qualité. C’est souvent la façon de produire le gin à moins de 10 euros la bouteille dont les amateurs vous conseille plutôt l’usage pour nettoyer vos sanitaires…

  Définition du gin selon la législation européenne :

20. Gin

   a) Le gin est la boisson spiritueuse aux baies de genévrier obtenue par aromatisation, avec des baies de genévrier

(Juniperus communis L.), d’un alcool éthylique d’origine agricole ayant les caractères organoleptiques appropriés.

   b) Le titre alcoométrique volumique minimal du gin est de 37,5 %.

   c) D’autres substances aromatisantes naturelles et/ou identiques aux naturelles, définies à l’article 1er, paragraphe 2, points b) i) et b) ii), de la directive 88/388/CEE, et/ou les préparations aromatisantes définies à l’article 1er, paragraphe 2, point c), de cette même directive sont utilisées pour la production de gin, mais le goût des baies de genévrier doit être prépondérant.

21. Gin distillé

   a) Le gin distillé est:
     i) la boisson spiritueuse aux baies de genévrier obtenue exclusivement par redistillation d’un alcool éthylique d’origine agricole de qualité appropriée ayant les caractères organoleptiques voulus et titrant, au départ, au moins 96 % vol dans les alambics utilisés traditionnellement pour le gin, en présence de baies de genévrier (Juniperus communis L.) et d’autres produits végétaux naturels, le goût des baies de genévrier devant être prépondérant;
     ii) le mélange du produit de cette distillation et d’un alcool éthylique d’origine agricole ayant la même composition, la même pureté et le même titre alcoométrique; les substances aromatisantes naturelles et/ou identiques aux naturelles, et/ou les préparations aromatisantes visées dans la catégorie 20, point c), pouvant également être utilisées en complément pour l’aromatisation du gin distillé.

   b) Le titre alcoométrique volumique minimal du gin distillé est de 37,5 %.

   c) Le gin obtenu en ajoutant simplement des essences ou des arômes à de l’alcool éthylique d’origine agricole n’est pas du gin distillé.

22. London gin

   a) Le London gin est un type de gin distillé:
     i) obtenu exclusivement à partir d’alcool éthylique d’origine agricole d’une teneur maximale en méthanol égale à 5 grammes par hectolitre d’alcool à 100 % vol, dont l’arôme est introduit exclusivement par la redistillation d’alcool éthylique dans des alambics traditionnels en présence de tous les matériels végétaux naturels utilisés;
     ii) dont le distillat obtenu contient au moins 70 % d’alcool par volume;
     iii) dans lequel tout autre alcool éthylique d’origine agricole qui est ajouté doit être conforme aux caractéristiques énumérées à l’annexe I, point 1), mais dont la teneur maximale en méthanol égale à 5 grammes par hectolitre d’alcool à 100 % vol.;
     iv) qui n’est additionné ni d’édulcorants dans une proportion dépassant 0,1 gramme de sucres par litre de produit final ni de colorants;
     v) qui n’est additionné d’aucun autre ingrédient que de l’eau.

b) Le titre alcoométrique volumique minimal du London gin est de 37,5 %.

c) La dénomination «London gin» peut être complétée par le terme «dry».

Source : Règlement (CE) n°  110/2008 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2008 concernant la définition, la désignation, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses et abrogeant le règlement (CEE) n°  1576/89 du Conseil  p. 22